•  

     

    Emilie a toujours aimé cet endroit. Elle ne saurait dire pourquoi, mais elle l’aime vraiment et sincèrement.

    Tant de souvenirs bons ou mauvais y sont attachés qu’elle ne peut faire autrement qu’ y revenir et s’y ressourcer.

     « Tiens ton thé, attention il est très chaud » lui dit sa fille tirant une chaise longue à côté d’elle. Toutes deux regardent le ciel, où quelques nuages s’attardent.

     

    « Donne-moi la main, j’ai froid ».

    Tout en lui tendant la main, Juliette regarde sa mère qui ferme les yeux et lève le front en direction du soleil.

    « Tu es glacée ! »Lui dit-elle anxieuse « Veux-tu rentrer ? ».

    Mais rien, pas une réponse. Juliette s’arrête de la questionner. Elle est malade,  elle va mourir. C’est pourquoi elles sont là, en plein cœur de juin, dans le village natal de sa mère. Juliette a dans la gorge une boule énorme, faite de pleurs, de cris et de dégoût. Mais elle ne montre rien, par égard pour Emilie, qui sait déjà tout.

    Elle la regarde.

    Emilie a voulu un huit clos avec sa fille, parce qu’il n’y a qu’avec elle, qu’elle est bien depuis la mort de son mari. Il n’y a qu’elle et sa montagne qui sachent apaiser ses maux.

    Au loin, un épervier ne cesse de tournoyer, et d’émettre des cris féroces.

    Emilie compare soudainement ce rapace à la mort.

    « Peut-être vient-il me chercher » lance-t-elle cyniquement.

    Et c’est vrai, cet oiseau a quelque chose de lugubre et de barbare. Cette comparaison fait frémir Juliette, et lui arrache quelques larmes. Elle se met les mains sur les oreilles, mais l’oiseau ne s’arrête pas et continue son chant mortuaire. Brusquement elle se lève, court vers la maison, renversant une jarre sur son passage. Là entre les quatre murs qui ont bercé son enfance et protégé sa mère, elle ne risque rien pense-t-elle.

    « Tu peux revenir chérie. Ce n’était pas pour maintenant ! » Lance Emilie allongée dans sa chaise longue.

    « Ca y est ? Il a fini son chant horrible ? » demande Juliette en ressortant de la maison.

    «  Et si nous descendions à Mestres faire quelques courses et voir la mère d’Andréa ? » reprend-elle.

    « Crois-tu vraiment que je sois de bonne compagnie ? » Lui répond sa mère.

    Au fond d’elle-même Emilie sait très bien que les gens du village savent qu’elle est revenue pour le dernier voyage. Elle se rend compte que depuis leur arrivée, elles n’ont vu personne, si ce n’est le facteur qui pour une fois ne s’est pas attardé à La Viste. 

    « Bien sûr je peux y aller seule». Lance-t-elle jouant l’indifférence.

    Mais Juliette se ment à elle-même, elle veut que sa mère l’accompagne. Elle veut dire aux autres, regardez elle est revenue, elle n’a rien oublié et c’est auprès de tout ça qu’elle veut s’endormir. C’est une des vôtres qui s’en va. Alors faites le dernier chemin avec elle. Juliette ne veut pas s’avouer qu’elle a peur et que tout ça est trop lourd  Le partage dont elle rêve  est tout comme sa mère égoïste et envahissant. Elle veut affronter la réalité et en même temps la fuir. Elle veut rester et en même temps partir. Elle a mal de tout et de rien.

     

    Toutes deux savent que c’est une course contre la montre. Qu’il va falloir faire un grand tri dans les sentiments, comme dans les souvenirs...

     

    Extrait de "Dernier été". Albane Charieau 

    Yahoo!

    votre commentaire
  • Une  rivière, un salon de jardin en fer blanc, un tilleul magnifique et au milieu de tout ça, une maison au toit bleu.

    Du vert partout, des nappes en couleur et des rosiers en guise de barrière.

    Du chocolat, de la confiture sur un coin de table. Et tout autour des enfants aux rires a demi cachés.

    Une véranda claire remplie de bibelots et de plantes gigantesques, un chat ou peut-être deux alanguis sur les tapis.

    Une musique douce, comme des notes de piano, flottant dans l’air frais.

    Des châles de cachemire oubliés sur quelques canapés, des livres de-ci de-là, une théière, des gâteaux, quelques photos posées sur une sellette.

    Des bicyclettes au fond du jardin, une treille de lierre, couvrant un banc de pierre minuscule. 

    Un gazon anglais, des pots de fleurs bleu marine et blancs bordant une allée de gravier. De superbes marronniers sur lesquels s’ouvre un portail tout de fer travaillé...

     

    « La maison d’en face ». A.Charieau

    Lieutaud le vingt octobre deux mille huit.  

    Yahoo!

    2 commentaires



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires